lundi 17 novembre 2008

Les enjeux DD du secteur du logement social

En juillet 2007, le maire d'un arrondissement parisien en compagnie de la présidente de la SIEMP invitait habitants et journalistes à l'inauguration de quatre nouveaux logements sociaux de Haute Qualité Environnementale, réhabilités dans un immeuble ancien de sa circonscription. L'inauguration n'eut pas lieu. Trente minutes avant l'évènement, un collectif représentant des personnes « mal logées » prit possession du lieu avec banderoles et porte-voix. Leurs représentants allèrent à la rencontre du maire, fortement pris à parti par des travailleuses de l'économie parallèle du quartier de Strasbourg Saint Denis accusant les squatteurs de compromettre leurs activités futures. Cette anecdote synthétise bon nombre des problématiques du logement social. La tension engendrée par la pénurie de logements sociaux, la difficile intégration du logement social au coeur d'un nouveau quartier, la multiplicité des acteurs, la difficile gouvernance.
Si l'on considère que le développement durable se trouve à l'intersection des trois cercles combinant la performance économique, la prise en compte de l'aspect social et particulièrement la notion d'équité , l'environnement et la qualité de vie, on peut aisément considérer que le secteur du logement social est pour l'instant encore assez éloigné de ces objectifs. En se référant à la définition du rapport Brundtland, le constat est encore plus sévère, le logement social ayant gravement failli à l'équité intragénérationnelle et à prévoir les besoins, dégager les moyens de l'habitat de demain. Cependant, la problématique du développement durable, pour ce secteur qui acceuille 17, 2% des ménages en France, a été intégrée progressivement dans les agendas des acteurs, que l'on songe aux congrés des HLM de Toulouse et de Bordeaux en 2001 et 2006 et aux objectifs fixés par le Programme National de Rénovation Urbaine.
Aux enjeux économiques de ce secteur en crise qui nécessite un réel effort d'investissement se superposent les enjeux sociaux, sociétaux et environnementaux dans la recherche d'un mode de développement plus durable.
I . Les enjeux économiques: un secteur sous tension qui appelle la mobilisation des investissements :
A) Un fort dysfonctionnement de la régulation entre offre et demande de logements sociaux
avec l'héritage d'une répartition inégale et insuffisante des investissements sur le territoire:
Au sein d'un parc immobilier résidentiel saturé...
Il manque 700 000 logements, il en faudrait au moins 400 000 nouveaux par an. Le parc immobilier résidentiel est saturé. Ceci est lié à un rythme de construction insuffisant au cours des années 1990. Pour avoir un parc immobilier équilibré, où tout ménage pourrait a priori trouver un logement convenable, quel doit être le rythme de construction annuel ? Selon Jean-Paul Betbèze, Directeur des études Economiques de crédit Agricole SA, celui-ci doit correspondre à l'accroissement annuel du nombre de ménages, auquel s'ajoutent le nombre annuel moyen de résidences secondaires et de logements vacants et les besoins liés aux destructions de logements. Le nombre de ménages a progressé fortement ces dernières années, du fait de divers facteurs : l'allongement de la durée de vie, l'augmentation du nombre de célibataires, de divorcés, de familles monoparentales. Entre 1999 et 2004, la croissance annuelle moyenne du nombre de ménages a atteint 1,3 %, 320 000 par an. Le déficit de logements cumulé de 1990 à 2004 peut être estimé à environ 600 000 logements.Compte tenu du déficit en logements préexistant avant 1990, difficile à estimer, mais qui atteint probablement au moins 100 000 unités,le déficit global en logements est de l'ordre de 700 000. En 2005, les mises en chantier se sont redressées, à 390 000 unités, mais ceci correspond en réalité au besoin global annuel de logements. Donc, sur les prochaines années, il faudrait des mises en chantier supérieures à 400 000 par an pour résorber peu à peu le déficit de logements.
2)...on observe moins de nouveaux logements que dans le parc privé en dépit d'une relance amorcée
Le rythme des constructions neuves dans le parc social, qui s'était hissé au milieu des années 1990 au dessus des 60 000 logements par an (contre 100 000 dans les années 70), s'est considérablement infléchi depuis pour s'établir autour de 35 000. Depuis 10 ans, le nombre de constructions dédiées au parc social est inférieur à celui des logements consacrés au parc locatif privé (55 000 constructions annuelles). Cet écart s'atténue depuis 2005 avec la remontée du nombre de constructions neuves dans le parc social mais l'amélioration du parc s'est accompagnée d'une amplification du nombre de démolitions: de 7200 en 2002 à 12 500 en 2004. (source: Union sociale pour l'habitat). Le plan de cohésion sociale présenté en 2004 prévoit la construction de 500 000 logements sociaux entre 2005 et 2009 (chiffre porté à 600 000 par la loi DALO). Et en 2005, 80 000 nouveaux logements sociaux ont été financés.
La mise en service de ces nouveaux logements va être graduelle et ne va résorber que lentement les besoins accumulés. De plus, selon la Fondation Abbé Pierre, une partie seulement de ces nouveaux logements sera accessible aux ménages cumulant faibles ressources et difficultés sociales (logements financés en prêt locatif aidé d'intégration, avec loyers plafonnés à 4 à 5 euros environ le m2).Ces chiffres sont notoirement insuffisants, compte tenude la forte demande en logements à bon marché. Moins de 100 000 logements sont réellement vacants. Face aux besoins marqués de logement accentués par une absence de mobilité des locataires deux fois moindre que dans le parc privé et à l'insuffisance de l'offre, une piste fréquemment évoquée est une taxation accrue, voire une réquisition, des logements vacants. Le stock de logements vacants est élevé, 1,8 millions en 2004. Mais cette acception recouvre des notions diverses, ces logements étant : mis en location ou en vente et non encore affectés ; affectés et non encore occupés ; en cours de travaux ; désaffectés ; laissés vides volontairement par leurs propriétaires. Ces deux dernières catégories ne représentent qu'une faible part du parc vacant, difficile à estimer, mais probablement inférieure à 100 000 logements. Au total, seul un effort marqué de construction de logements, particulièrement de logements sociaux, permettra d'ici quelques années une offre adaptée à la demande, notamment à celle des ménages à faibles ressources. Il est à noter qu'entre 2001 et 2003, en Ile de France environ 40% de la production de logements sociaux s'est faite par le biais de l'acquisition, ce qui n'a donc pas augmenté de façon substantielle le parc immobilier résidentiel. Un effort budgétaire est nécessaire, mais aussi le respect par l'ensemble des communes du fameux article de la loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbains) prévoyant que les logements locatifs sociaux doivent atteindre 20 % du nombre de résidences principales. Cela suppose aussi de réussir une bonne mobilisation du foncier qui est consommateur de temps, les terrains bon marchés susceptibles de remplir les cahiers des charges du logement social nécessitant le plus souvent de coûteuses et longues actions de réaménagement et de dépollution.
Inégalités spatiales des investissements et concentration du parc social, un atout pour une relocalisation économique des emplois :
Le parc social est inégalement réparti sur le territoire métropolitain. Son implantation essentiellement industrielle et urbaine (davantage que ce n'est le cas pour le locatif privé) s'est dessinée lors des périodes de forte construction des années 60 et au début des années 70. C'est en Ile de France, dans l'Oise, en Seine-Maritime, le long de la frontière belge et en Rhône-Alpes que la densité en logements sociaux est la plus élevée parmi les résidences principales. Cette part urbaine déjà élevée continue de s'accroitre dans la période récente. En 2005, les agglomérations de 50 000 habitants et plus acceuillent 80, 4% des logements sociaux et 65, 3% des logements sont situés dans des agglomérations de 200 000 habitants et plus.
Des phénomènes de rigidification de la tendance s'observent:plus il y a de logements sociaux dans une commune,plus la part de la construction sociale est importante dans l’ensemble de la production neuve de cette commune, on remarque que lorsqu’il y a 10 % de logements locatifs sociaux dans le parc d’une commune, 10 % de la production neuve a été fait en logements locatifs sociaux. Lorsqu’il y a 40 % de logements locatifs sociaux dans le parc initial, 40 % de la production neuve a été faite en logements locatifs sociaux. Lorsque la proportion de logements sociaux est inférieure à 40 % dans une ZUS, la construction neuve sociale représente encore une part importante de la production. Ce qui explique qu'en Île-de-France, pr exemple, il n’y a du logement social que dans 630 communes sur les 1 300 que compte cette région, et que 51 % du parc social est concentré sur 8 % des communes (soit 100 communes environ).
La relance des constructions représente un enjeu économique important dans le secteur du BTP et de la construction représentant sur plusieurs années un gisement important d'emplois locaux car ne nécessitant pas de fortes qualifications, intensif en main d'oeuvre et difficilement délocalisable. Prenons l'exemple de Montpellier où le Programme local de L'Habitat de 4000 logements sur cinq ans a permis le maintien ou la création de 1000 emplois dans le secteur du BTP. La concentration géographique du parc social est à ce titre un atout pour la structuration de ce secteur.
B) Un système de financement du logement social imparfait, aujourd'hui en mutation
1)Le système de financement ne répond plus qu'imparfaitement aux objectifs qui lui sont fixés:
Le système de financement offre aujourd’hui aux opérateurs des ressources moins attractives.Le dispositif d’aides de l’Etat ne ménage les finances publiques qu’en apparence en dépit de la réforme de 1977 qui devait consister à remplacer les aides à la pierre par les aides à la personne. On note un empilement des financements qui représente 7, 6 milliards d'euros en 2002 pour les aides de l'Etat consacrées au financement du logement locatif social. Le livret A, dont les montants sont centralisés par la Caisse des dépôts, dispositif sans commune mesure en Europe offre une ressource abondante que la conjoncture de taux depuis 2005 rend moins compétitive. De plus, L'équilibre des opérations de logement social nécessite l'intervention d'autres financeurs: les collectivités territoriales et les partenaires sociaux (1% logement).Or, les instruments de financement standardisés (centralisation de la programmation des aides et standardisation de la gamme des prêts de la CDC) ne sont plus adaptés à la diversité sociale et territoriale des marchés de l’habitat. De plus, ce financement a rigidifié l’occupation du parc, puisqu'à chaque programme correspond un prêt qui détermine les plafonds de loyers et de ressources des locataires, et ne parvient pas à remplir les objectifs de mixité sociale et d’accès au logement.
D'autre part, si ce système de financement contribue à l’équilibre financier des opérateurs, notamment grâce aux mesures fiscales prises depuis 1996 (éxonération de taxe foncière) , il n’incite pas à couvrir l’ensemble des risques pesant sur le secteur: risque patrimonial lié à l'état du parc qui est le plus préoccupant, risque managérial lié à la mauvaise gestion, risque produit par inadaptation à la demande, risques macro économiques liés à l'inflation (les opérateurs étant endettés à 85% à taux variable). Les organismes en difficulté bénéficient d'aides au redressement qui peuvent faire l'objet de plusieurs plans succesifs. On note qu'un tiers des opérateurs est dans une situation fragile, ce sont à 61 % des OPHLM et des OPAC, à 24 % des ESH et à 15 % des SEM.
2)L'évolution de l'environnement infléchit le caractère administré et centralisé du système de financement
Le système de financement s'ouvre davantage aux mécanismes de marché et à la concurrence que ce soit par la réforme du taux de rémunération du livret A à partir du 1er Août 2004 qui le rapproche d’un taux de marché, par l'impliquation conséquente du secteur bancaire privé s’implique progressivement dans le financement du logement.
D'autre part, les responsabilités renforcées des collectivités et du 1% logement favorisent une meilleure adaptation des mécanismes de financement aux réalités sociales et territoriales. Les collectivités territoriales jouent un rôle croissant dans la définition et l'exécution de la politique du logement en participant davantage à la politique foncière et au pilotage. Le programme de rénovation urbaine apporte avec l’ANRU un cadre financier innovant qui facilite la conduite des projets par les collectivités territoriales et le 1% logement entend exercer un pouvoir de décision sur les projets et les organismes qu’il finance.
Enfin, les modes de gestion et la gouvernance des opérateurs se modernisent. L’amélioration de la qualité de la gestion et la recherche de la taille critique sont devenues des objectifs prioritaires pour les opérateurs. Les regroupements d’organismes prennent des formes variées, à la mesure de l’hétérogénéité des opérateurs de logement social et des motifs qui président à ces décisions. La forme la plus courante est la création de groupes de sociétés (ESH, SEM, sociétés à caractère mutualiste ou coopératif telles les SACI) liées entre elles par des participations capitalistiques. Ce type de regroupement s’inscrit parfois dans une logique territoriale (filiales régionales ou interrégionales de l’ESH Batigère par exemple). Les groupes ainsi constitués peuvent être mixtes(social/privé), sous le contrôle d’une holding à statut privé. De plus, l'expérimentation du nouveau conventionnement depuis 1997 permet une politique active des loyers et donc une marge de manoeuvre pour l augmentation de leurs recettes conditionné à l'amélioration du parc et à une politique de mixité.
3 )Améliorer le système en développant des financements mieux adaptés aux opérateurs et en clarifiant les rôles des financeurs:
La modernisation du système doit avoir pour objectifs de permettre aux opérateurs de bénéficier de conditions de prêt avantageuses et de stimuler l’innovation financière. Elle peut reposer sur trois leviers d’action : ouvrir la distribution des prêts à la concurrence afin de bénéficier du niveau des taux de marché, réduire le coût des prêts sur fonds d’épargne et rendre la gamme de prêts de la CDC plus attractive.
Il s'agit aussi de clarifier les compétences des financeurs, d'Achever la logique de l’adaptation de l’offre aux besoins locaux, d'améliorer le cadre financier des projets de rénovation urbaine et deréaffirmer le rôle de l’Etat. Il est le garant du droit au logement, reconnu comme un objectif de valeur constitutionnelle par le Conseil constitutionnel. Par ailleurs, il ne peut se désintéresser du secteur du logement, premier poste de dépenses des ménages (21% de leur budget en 2003, soit 226,8 Mds€). Enfin, le logement demeure une composante essentielle de la politique de cohésion sociale et d’aménagement du territoire. Le principe de subsidiarité pourrait guider la répartition des compétences entre les différents niveaux d’intervention publique. Dans ce cadre, le rôle de l’Etat pourrait se concevoir selon trois axes :
- définir les objectifs généraux en matière de politique du logement social ;
- assurer le contrôle et le suivi de la mise en oeuvre des objectifs de la politique du
logement social ;
- intervenir à travers des outils spécifiques.
II-Les enjeux sociaux, sociétaux et environnementaux du secteur : l'ambition du développement durable ?
A) Face à une cohésion sociale menacée, le droit au logement réaffirmé ?
Face à une paupérisation du parc, au non fonctionnement du principe de mixité et de diversité :
On observe une paupérisation résumée ainsi par Gérard Lacoste en IDF « les revenus des demandeurs sont inférieurs aux revenus des entrants, qui eux mêmes sont inférieurs aux revenus des occupants, et qui eux mêmes sont inférieurs aux revenus des personnes qui quittent le parc social. »
En effet, les locataires du parc locatif social déclarent en moyenne un revenu imposable inférieur à celui de l'ensemble de la population. La progression de leurs revenu imposable médian est plus faible que celles des occupants du parc locatif privé. Elle est en outre significativement inférieure à celle des plafonds de ressources qui ont augmenté de 22, 5 % entre 1999 et 2005. Ainsi, en Ile de France, 63 % des ménages disposent de ressources en dessous des plafonds règlementaires (contre 50 % au début des années 90). La revalorisation de ces plafonds, calée sur celle du salaire minimum, a augmenté la part des locataires dits »très sociaux », c'est à dire ceux disposant de revenus imposables inférieurs à 60 % du plafond. La part de ces derniers progresse de 7 points sur la m^me période (contre 3, 5 points pour le parc locativ privé). Cette augmentation s'explique par celle de la part des ménages « très sociaux » au sein des locataires n'ayant pas changé de logement (qui passe de 55 à 60 %) (source Filocom 2005).
Plus généralement, c'est le principe de mixité sociale qui semble avoir insuffisamment fonctionné. La notion n’est pas nouvelle, mais le débat des années 1990 marque un tournant. C’est alors que la loi Besson pose la mixité sociale comme un objectif légitime des politiques du logement : les protocoles d’occupation du patrimoine social, institués par cette loi, visent notamment à assurer une meilleure répartition des populations au sein du parc social. Sylvie Tissot montre d'ailleurs comment les ménages immigrés continuent à subir un traitement défavorable. L’ancienneté de la demande est plus importante pour les ménages immigrés que pour les autres : 28 % des ménages immigrés ont déposé leur demande depuis au moins trois ans, soit près de deux fois plus que pourl’ensemble de la population en attente. Comme le montrent les données de l’enquête logement de l'INSEE, ce décalage ne s’explique pas par le nombre d’enfants des familles immigrées et par l’insuffisance de grands logements, puisque les ménages immigrés d’une à quatre personnes sont proportionnellement aussi nombreux à attendre depuis au moins trois ans . En outre, les ménages immigrés sont concentrés dans le parc ancien : les trois quarts vivent dans des immeubles construits avant 1975.
2) Face aux statégies divergentes des acteurs dans l'octroi des places en logement social qui mettent à mal la notion d'équité.
Depuis la fin des années 1960, le désengagement de l’État dans les politiques du logement s’accompagne d’un recentrage sur le droit au logement des plus démunis visant à contrer les effets de la crise économique. Pour mettre en oeuvre cette nouvelle mission « sociale », officialisée par la loi Besson de 1990, les préfectures s’efforcent de retrouver des moyens d’action : leurs prérogatives dans les attributions de logement social, et notamment la possibilité de proposer des candidatures sur leurs contingents, deviennent alors des enjeux décisifs. Or, depuis plusieurs années, les organismes HLM ont progressivement « confisqué » ce contingent, de même que celui des communes, afin d’y loger les candidats de leur choix. Quant aux communes,la maîtrise des attributions devient pour elles un levier d’action décisif, dans un contexte financier difficile pour beaucoup d’entre elles. Au sein de ce jeu de concurrences, dans lequel nul n’est en mesure d’imposer son autorité, un système de négociation et d’arrangements « au coup par coup »se met en place. Ainsi, de nombreuses préfectures ont intégré, en amont, les critères de sélection des organismes HLM.
Chacun cherche alors à faire prévaloir ses intérêts : loger un certain nombre de ménages en grande difficulté pour les préfectures (soumises aux pressions des associations et cherchant, notamment en Seine-Saint-Denis, à éviter le développement des squats), limiter l’arrivée de populations considérées comme « à risques » pour les bailleurs (en quête de rentabilité) et pour les municipalités (attentives à privilégier les ménages susceptibles de voter pour elles). Et pour faire prévaloir ses intérêts, chacun va user de l’argument de la mixité sociale, notion dont le flou autorise toutes les définitions.
3) la question du droit au logement redevient une priorité pour les instances nationales et européennes: entre inclusion et peur d'implosion
Il faut des logements sociaux en nombre pour satisfaire aux obligations de la loi SRU, pour reloger des familles dans le cadre de la rénovation urbaine, pour respecter les engagements du plan de cohésion sociale, soient 500 000 logements sociaux, sur la période 2005-2009, engagements portés récemment à presque 600 000 par la loi DALO. « Il faut aussi rendre effectif le Droit au logement opposable, pour les personnes les plus prioritaires, tout en appliquant sans faillir à nos devoirs le Plan d'Action Renforcé en faveur des Personnes sans Abri (PARSA) »déclarait Christine Boutinlors de son intervention au congrès de l'USH le 20 Septembre 2007. Il s'opère une véritable concurrence pour ce droit au logement si l'on considère que le nombre de personnes sans domicile fixe est de 900 000, tandis que 900 000 autres n'ont pas de domicile personnel, selon la Fondation Abbé Pierre, et que deux millions ne disposent que d'un logement sans confort. Il faut aussi prendre en compte les catégories qui ont du mal à se loger comme les jeunes. La demande de logements sociaux a dépassé le million de demandeurs mais il ne s'agit pas que d'un problème quantitatif et un des enjeux actuels est d'améliorer la fluidité des locataires au sein du parc par la mise en pratique de la notion de »parcours résidentiel et individualisé ».
La question de l’Habitat social se trouve au coeur des réflexions et des actions conduites au niveau communautaire en matière de cohésion sociale et territoriale. Dans son premier rapport sur la stratégie européenne d'inclusion, la Commission reconnaissait que le marché du logement “ est moins performant pour les populations à faibles revenus et que les interventions publiques en matière d’habitat social doivent surmonter les déficiences du marché de façon à garantir un accès à un logement décent et abordable aux tranches les moins fortunées de la population ”. L’aide au logement a été reconnue en tant que droit fondamental de l’Union de même que l’accès au logement social en tant que service d’intérêt économique général.
Cette analyse de la Commission, établie sur la base d’une évaluation des “ Plans nationaux d’Action Inclusion ”, rejoint celle conduite sur les zones urbaines en difficulté. La dimension européenne de la crise urbaine et ses incidences sur la cohésion sociale ont conduit les instances communautaires à les intégrer en tant que nouvelles priorités de la politique régionale communautaire 2000-2007 (restructuration urbaine, démolitions, sécurisation, aménagement, accompagnement social ont ainsi été rendus éligibles aux fonds structurels). Les répercussions européennes des violences urbaines françaises témoignant de l’érosion de la cohésion sociale dans certains quartiers d’habitat social ont conduit les instances communautaires à reconduire l’intégration des zones urbaines sensibles en tant que nouvelles priorités de la politique de cohésion 2007-2013.
B) Une inscription de la politique d' habitat social dans une logique de développement durable par la maîtrise de l'espace urbain et l'intégration des enjeux environnementaux
la réhabilitation du logement social intégrée au coeur des quartiers :
L'enjeu est d'éviter de reconstituer des cités d'urgence. Comme le résume Vincent Feltesse, Président de la communauté urbaine de Bordeaux lors du débat de 2007 organisé par l'Union Sociale pour l'Habitat sur « les nouvelles responsabilités locales et politiques de l'Habitat »: des priorités doivent être clairement définies entre le renouvellement urbain, le développement durable, la production de 500 000 logements, l'hébergement d'urgence. La mixité ne saurait être dissociée de la question de l'insertion économique. Il faut donc repenser la ville complètement au niveau du transport, de l'éducation et de l'emploi, avoir une continuité et une visibilité globale à long terme. »
A ce titre, l'insertion du logement social au sein des projets d'éco-quartiers constitue une piste intéressante. Ainsi, le site pilote de la Courrouze près de Rennes, situé sur des friches industrielles et militaires prévoit une mixité culturelle et générationnelle (50 % de logements aidés dont 25 % de locatif social), la performance dans l'environnement du quartier, la gestion des nuisances sonores, la qualité architecturale et urbaine. Il est à noté que ce type d'objectifs peut bénéficier des programmes européens JASPER, JESSICA ou JEREMIE.
les enjeux environnementaux : lier lutte contre l'effet de serre et baisse des charges, l'innovation à la rescousse
L'habitat social est confronté aux enjeux environnementaux de l'habitat collectif: gestion alternative des eaux pluviales, traitement et dépollution des espaces (d'autant plus probable que le coût du foncier acquis est bas), gestion des déchets, gestion des nuisances sonores et de l'énergie, mobilité par une offre multimodale en transport privilégiant une offre à l'alternative à l'utilisation de la voiture individuelle. Cependant, l'axe prioritaire pour le logement social est de contenir le montant des charges qui constituent pour les locataires un surcôut important et pour les bailleurs un risque conséquent de non-règlement du loyer. Pourtant, selon l'Union Sociale pour l'Habitat, la moyenne de consommation du secteur privé résidentiel est de plus de 50% plus élevée que le parc social. Ceci étant compte tenu des efforts majeurs du programme de réhabilitation financé par l'ANRU, un plan « énergie climat » sera mis en place sur 5 ans qui concernera 800 000 logements qui ne sont pas encore aux normes actuelles avec l'aide de nouveaux prêts de la caisse des dépôts. D'autre part, pour les constructions, selon les objectifs du Grenelle de l'environnement, d’ici 5 ans, la moitié des constructions de l’ANRU et des logements sociaux doivent être soit à basse consommation (soit 50 kWh/m2/an) soit à énergie positive.
Ces objectifs supposent de pouvoir obtenir des professionnels du bâtiment que les exigences du développement durable ne pèsent pas de façon trop importante sur les prix, de lever la pénurie de main d'oeuvre et de formation aux techniques environnementales innovantes. Sur ce point, la FFP, la Capeb, le CSTB et l'AQC se sont réunis et ont décidé de consacrer à la mise en de guide et de manuels de formation 16 millions en trois ans. Il va falloir que la filière s'organise, et que les Banques suivent, pour répondre de façon plus massive aux normes HQE ou aux nouvelles normes,certifications en élaboration.
Pour conserver des côuts compétitifs, l'innovation doit aussi être mobilisée. On observe de nombreux projets démontrant des réserves de créativité. Ainsi, La toute première chaufferie alimentée en granulés de paille s'est installée à Droué, village de 1.200 habitants au cœur du Perche vendômois. Vouée à produire de l'énergie pour chauffer 38 logements, elle a été inaugurée le 30 janvier 2008. Certes, cet exemple n'est pas à ce stade transposable à de grands ensemble urbains mais il a le mérite utiliser une technologie respectueuse de l'environnement, différente des énergies fossiles, utilisant un combustible au pouvoir calorifique performant et produit localement.
Un articulation des objectifs du développement durable par la mise en place d'une nouvelle gouvernance :
La mise en place d'une nouvelle gouvernance passe tout d'abord par la restauration de la confiance entre l'Etat (acteur central de la politique de logement et garant des solidarités) et les élus territoriaux (concilier les objectifs du plan de cohésion sociale avec ceux du PLH) mais aussi la confiance avec les concitoyens sur le contenu de la rénovation urbaine et sur l'articulation destruction/reconstruction. La confiance est aussi indispensable pour remettre sur le marché de la location des logements vacants.
La gouvernance doit doit permettre une meilleure articulation des dispositifs territoriaux et nationaux mais elle doit aussi s'inscrire dans le pilotage global du projet au delà des règlementations légales fixées par la loi ANRU. L'élaboration des PLH peut constituer un point de départ significatif. Ainsi, si l'on prend l'exemple de Dunkerque, l'élaboration du PLH a été lancée en novembre 2003 avec une concertation de tous les acteurs du territoire: mise à disposition du public, avis des communes et intercommunalités limitrophes, avis du Conseil du développement durable, avis du Préfet et du Conseil Régional de l'Habitat. Un tour de table des maires des communes a été effectué afin de recueillir les attentes pour le diagnostic et l'élaboration du programme d'action. Un comité d'orientation et de pilotage a été mis sur place avec les partenaires (bailleurs, associations de locataires, riverains) et les financeurs. Des groupes de travail ont été constitués dont les rapports d'étapes ont été présentés aux Rencontres de l'Habitat. Les avis émis ont été pris en compte par des correctifs apportés au PLH adopté qui a abouti à la construction de 10 logements sociaux neufs et à la réhabilitationde 104 logements sociaux en HQE.
L'Ile de France pose un problème particulier en termes de gouvernance puisqu'elle concentre l'atomisation des acteurs politiques et des opérateurs et l'importance des besoins.
***
Le secteur du logement social a amorcé un tournant depuis le milieu des années 90, confirmé par les années 2000. Les principaux risques du secteur seraient de réitérer les erreurs du passé, de rater l'inclusion, de reconstruire des cités d'urgence, guettos sociaux et économiques par un saupoudrage des mesures et des investissements. L'émergence d'une nouvelle gouvernance ne doit pas être comprise comme la déresponsabilisation des acteurs et l'engagement de l'Etat par sa capacité à mobiliser sur le long terme doit rester ferme. Le scénario optimiste pourrait se baser sur le modèle « gagnant-gagnant » de l'hypothèse de Porter, les contraintes du secteur développant une forte innovation pour faire mieux, en quantité et en qualité, à prix constant ou moindre et à qualité de vie supérieure. Au delà, pour citer M. Delebarre, peut-on « demander au logement social de résoudre ce que la société ne peut résoudre »?

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